Retour à l'origine du parcours

Bienvenue chez Jean-Luc KOPP à Woippy

À travers ce retour aux origines, il partage une vision humaniste et éclairée de l’analyse, où l’écoute et la compréhension sont au cœur de son engagement.

rêve enfant

Accomplir son rêve !

Y a-t-il plus belle trajectoire que celle qui consiste à pouvoir accomplir son rêve d’enfant ? Petit garçon, je voulais devenir chirurgien. Ce rêve me hantait à tel point qu’en classe primaire, je dessinais des blocs opératoires.

Sans doute les infirmités corporelles de mes deux grands-parents paternels dévoilent-elles une partie de cette fascination enfantine ? Elle, avait sa main gauche déformée, crochue d’apparence, lui était bossu. Ce n’était pas tant leur singularité qui m’interpelait que l’absence d’explications satisfaisantes quant à ce qu’il leur était réellement arrivé : je soupçonnais à travers ces morceaux de corps meurtris un insondable secret.

Hélas ! Mes allergies chroniques aux mathématiques brisèrent assez tôt mon précieux rêve. Exit la filière scientifique ! Adieu les études de médecine, le bloc opératoire, le soin du cœur et des reins… Littéraire, tu seras ! Enseignant, tu choisiras ! Professeur de Lettres Modernes, tu deviendras. Qui plus est, auprès de jeunes « sauvageons » et ce, dès ton premier poste.

Pourtant, mon rêve, 50 ans plus tard, ne s’est-il pas tout de même réalisé ?

Car enfin, un psychanalyste de coeur à corps est-il autre chose qu’un chirurgien de l’intériorité humaine ? Prof, psy et pèlerin spirituel, trois légitimités qui se complètent. Prof de lettre ou prof de l'être, chirurgien de l'âme humaine ou accompagnateur psycho-spirituel ? Trois facettes qui m'invitent à vous partager l'itinéraire d'un homme en quête de sens. 

Ce furent mes élèves qui m’enseignèrent et me ramenèrent à mon rêve de gosse. Ma formation universitaire s’avérait inadaptée à mes élèves : ils étaient rétifs à tout enseignement du français. Comment leur donner tort ? Qu’en avaient-ils à faire alors que tant d’autres questions plus cruciales et sans réponse fracassaient leur intériorité ? Révoltés, ils l’étaient et n’aspiraient qu’à pouvoir en découdre avec l’autorité que je représentais. Je n’ai pas démissionné, j’ai tenu. Aussi, très naturellement, arriva ce qui était comme programmé : Michel, un élève de 6ème, plus grand, plus trapu que ses camarades, éprouvait un malin plaisir à effrayer, terroriser les plus petits, les plus faibles. Ses yeux me narguaient, en particulier lors des récréations, vérifiant que je ne perdais rien du spectacle. Étrange ballet de regards ! Je me revois lors de cette récréation en 1984, bondir vers lui, le saisir à la gorge, le soulever de terre tout en lui hurlant dessus. L’intervention de mes collègues ainsi que les yeux éberlués de Michel me firent réaliser ce qui advenait. Que m’arrivait-il ?

En quête d'archives personnelles

J’avais été instantanément replongé dans de multiples instants de mon enfance où mon père s’acharnait, se défoulait sur moi. Qu’importait le prétexte ! La folie qui s’emparait de lui réclamait son expulsion dévastatrice et le châtiment du coupable. J’avais complètement oublié ces moments au cours desquels le petit garçon ne comprenait rien à la déferlante qui s’abattait, ignorant tout du pourquoi des insultes, et encore moins au sempiternel « petit con » qui mettait fin à l’humiliation subie.

J’avais beau travailler dans un château, les murs des classes et le parc suintaient une incroyable violence. Allais-je me contenter d’en être un rouage, voire un instrument ? Ou alors trouverais-je le moyen d’apporter un autre regard, une nouvelle approche ? Au plus profond de moi, il était hors de question que je puisse ressembler à mon père, ivre de ressentiments, de colère, lors de ces coups de sang !

C’est donc assez logiquement que je me suis tourné vers la psychanalyse verbale, encore en vogue à l’époque. Dans un premier temps, ce fut pour moi-même : je devais en convenir, j’avais mal, j’avais voulu l’ignorer.

Je n’avais rien pardonné à mon père, je lui en voulais encore terriblement. Face à lui, je demeurais « l’éternel petit-con ». Incapable que j’étais de l’affronter ou de me réconcilier ! Dans un second temps, ce fut pour me former en tant que psychanalyste verbal, d’obédience freudienne. Ce double parcours dura sept années et m’apporta un début de reconnaissance et de considération de la part de mes élèves et de mes pairs. Qu’y ai-je principalement gagné ? La conviction de l’importance de la relation à autrui, du lien à travers les attitudes, les gestes, les mots : en un mot, ce souci de l’autre, qu’il soit élève ou patient. J’y ai également trouvé la reconquête d’une certaine estime de soi. Les yeux qui traversaient les miens me témoignaient non plus horreur, effroi ou déception, mais bien plutôt admiration, estime, plaisir à travailler ensemble. Ma double appartenance – prof et psy- semblait inverser la pente triste du destin. J’aurais pu m’en contenter. Ma devise de l’époque tenait en ces mots :  » ni Dieu ni Maître », tant je misais tout sur l’outil psychanalytique. Le « vaurien » que je pensais être parvenait malgré tout à reconquérir une certaine légitimité à être aimé et commencer à aimer

aide-Psychanalyste

Février 1988, naissance d’Arnaud, mon fils. Il naît pour s’éteindre 15 jours plus tard, atteint de malformations du cœur et du cervelet. L’usage de la parole lui serait à jamais proscrit. Ce  " tsunami psychique " mit à bas mes pseudo-certitudes. Ni le professeur, ni le psychanalyste n’étaient préparés à comprendre ce qui leur arrivait. Leur savoir respectif ne servait à rien. J’étais fou de douleur, seul face à l’absurde. Quel sens a la Vie si, alors qu’un enfant naît, toute l’espérance de vivre qu’il contient lui est retirée ? J’avais le choix : soit sombrer dans une profonde dépression, soit me supprimer face à ce non-sens absolu, soit trouver des réponses sensées !

Qu’avais-je donc à comprendre à travers ce cataclysme ? J’étais perdu et impuissant. Dévasté. Ce fut un livre « L’accompagnement de la naissance » – est-ce si étonnant pour l’homme de Lettres ? – qui m’apporta les premières étincelles de lumière. Ce livre traînait dans ma bibliothèque depuis un certain temps : allez savoir pourquoi ce jour je le pris pour ne plus le refermer avant de l’avoir terminé ? J’y entendais parler pour la première fois de psychanalyse par le corps, de traumatisme périnatal, de tâche, de mémoire corporelle, d’une vie intérieure intense non-perceptible d’emblée ! Certes, je n’y entendais rien, mais tous ces sujets résonnaient en moi, comme si j’avais trouvé enfin ma terre promise ! J’étais tellement en errance et en questionnement que je voulais de tout mon être accoster et explorer ce continent intérieur ! Ce fut une évidence pour moi.

Tout comme il m’avait fallu coûte que coûte tout mettre en œuvre pour espérer devenir chirurgien, il me fallait désormais tout faire pour rencontrer cet auteur, l’entendre et découvrir les modalités pour espérer devenir psychanalyste par le corps. Il accepta de me recevoir. Pour la première fois de ma vie, je me trouvais face à un homme qui ne trichait pas, qui n’attendait rien, n’exigeait rien. Il m’accueillait simplement tel que j’étais. Pas de rapport de force, ni de séduction chez ce père de substitution. La puissance silencieuse et bienveillante qui émanait de lui, n’écrasait pas, ne manipulait pas, n’exigeait rien. Elle se suffisait à elle-même. Cette manière d’être, de se situer, cette force aimante, je voulais croire qu’elles ne lui étaient pas exclusivement réservées : cette humanité pleine, puissante, je voulais un jour pouvoir l’incarner à mon tour.

Seule m’importait la psychanalyse par le corps. Le « petit-con », dont je restais convaincu, pouvait-il imaginer être formé par ses pairs et devenir à son tour psychanalyste corporel ? Certes non. Je voulais malgré tout croire à cette opportunité de croissance que la Vie m’offrait. Mon rêve s’accomplit malgré mes doutes et résistances. J’étais encore professeur et démarrais mon cabinet psy. Qu’y ai-je appris de ce double exercice professionnel ?

A me rencontrer vraiment. Je puis le partager aujourd’hui, n’en déplaise à des confrères trop sectaires, cela m’arrangeait bien d’être prof et psy. J’évitais ainsi la rencontre en vérité avec le « petit Jean-Luc » tapi au fond de ma poitrine. Paradoxalement, les élèves comme les patients me dispensaient d’oser rejoindre ma souffrance profonde pour l’assainir. Dans la mesure où ce n’était plus la mémoire cérébrale qui actionnait les manettes, mais la mémoire corporelle, la découverte de soi dans son intimité profonde et authentique devenait possible. Étonnante psychanalyse, en effet, où la parole se tait tout d’abord. Place au corps et aux confidences de la chair. La parole retrouve sa place dans un second temps pour mettre en mots et en sens ce que le corps a dévoilé.

Psychanalyse « en-corps » ! Psychanalyse encore ! L’enquête tournée vers le passé de la personne demeure, mais gagne en précision, puisqu’il s’agira de rechercher les événements décisifs ayant construit la personnalité de l’adulte jusqu’à aboutir à l’exhumation du scénario traumatique mis en place. Nul besoin donc d’interprétations, l’analysant sera l’auteur-enquêteur de ce dévoilement progressif jusqu’à parvenir à une intime conviction de ce qui lui est arrivé lors de ces quatre moments clés de son existence.

Oui, il m’aura fallu l’irruption d’Arnaud dans ma vie, suivie de son décès, pour qu’alors qu’il s’éteignait, je me réveille ! Oui, il aura fallu son handicap du cœur et de la parole pour qu’enfin je trouve la route de l’ouverture de mon cœur, et l’importance d’une parole authentique parce que libérée et crue. Oui, il m’aura fallu cette dévastation psychique suite à la mort de mon fils pour que je n’ai de cesse d’interroger le sens de la vie, de questionner le mystère propre à la naissance comme à la mort !

Toutes ces étapes depuis la mise en place de mon rêve primordial furent nécessaires et salutaires. Il m’aura fallu renier Dieu, refuser d’être enseigné par un maître spirituel pour pouvoir bien plus tard m’en approcher en conscience. La démarche spirituelle, la relation spirituelle n’ont rien d’infantile, ni de sectaire. Il s’agit simplement d’une dimension d’amour d’un autre ordre. Au pied de cet Everest intérieur, l’amour affectif avec ses compromissions, ses rapports de lutte, de séduction s’effondre. Au sommet de cet Himalaya intérieur, l’Infini, l’Essentiel.

De même que le décès d’Arnaud m’avait permis de me réveiller, ce sont de nouvelles circonstances qui continuèrent à favoriser mon éveil.

Après avoir consacré 20 années de ma vie auprès de Bernard Montaud, après avoir été formé par lui en tant que psychanalyste corporel, être devenu président de l’IFPC, j’ai pourtant décidé en 2020 de démissionner. Je ne pouvais plus cautionner la distortion entre l’outil pertinent que représente la psychanalyse à médiation corporelle avec l’accompagnement préconisé par son fondateur, et l’attitude de ce même fondateur. La dimension de pardon, de réconciliation réclame d’être incarnée par tous, sans exception.

Si ce parcours de vingt ans m’avait permis de naître peu à peu à mon être profond, il m’importait de m’aventurer vers ce que j’appellerai désormais : une « seconde naissance ».

La confrontation à la mort de ma mère, suivie de près par celle de mon jumeau, il y a trois ans, enfin celle de mon amie et consœur Jocelyne, il y a un an, m’ont permis d’appréhender la mort d’une manière totalement nouvelle.

Oui, on peut tout à fait envisager de mourir vivant. Accompagner une personne qui part nous permet de nous tourner vers la vie qui est la plus forte. Et d’accepter de franchir la passerelle qui sépare la vie terrestre de la vie d’après. Souvent, ce n’est qu’une passerelle à traverser. C’est ce que j’ai vécu avec mon jumeau au moment de son passage. Nous étions alternativement thérapeute l’un de l’autre. On avançait sur une passerelle suspendue au-dessus du vide. Il y avait des peurs qui ralentissaient la progression, qui semaient le doute. Mais on s’épaulait mutuellement pour pouvoir avancer, et il nous a été alors possible de franchir cette étape. Et de constater qu’une immense paix, une immense joie inondait celui qui partait et celui qui l’avait accompagné jusqu’au bout. 

Cette étape de paix, de joie, de lumière, est vraiment contagieuse. Au point que dans la pièce à l’hôpital là où on y est confronté, il y a une lumière qui embrase tout l’ensemble. Cette sérénité fait vraiment contraste avec les chagrins, les pleurs, les abattements des personnes qui viennent quelques heures après retrouver le défunt. C’est comme si il y avait un contresens complet dans le fait de réduire la mort au cadavre. Et aux cérémonies qui vont en découler. 

Jocelyne m’a donné un enseignement particulier : accepter de partir. Le défi qu’elle a su relever et ce à quoi elle m’a permis de consentir, c’est je n’avais pas à la retenir mais à la laisser aller. C’était dans l’ordre des choses que ce départ ait lieu. En conséquence, cela a été pour elle, ses proches et ses amis, une mort lumineuse. Au moment des obsèques, pas de tristesse, c’était une cérémonie joyeuse. Le sourire de Jocelyne nous inondait de contagion, nous tous, de tous les côtés. Un miracle, alors qu’habituellement, dans les obsèques, ce n’est pas cela qui est mis en exergue. C’est souvent doloriste, accablant. Pourtant dans sa réalité, la mort est fluide, légère, comme une vapeur qui s’élève. Je garde vraiment cet enseignement et je veux insister sur le fait que depuis que Jocelyne est partie, elle est de plus en plus présente à mes côtés, dans mon travail et dans ma vie. 

La mort n’est pas ce que l’on croit, la personne n’est pas partie « un point c’est tout ». Elle continue à veiller, prodiguer sa présence, son soutien dans ce qui est vécu et j’affirme que ce n’est pas uniquement mon imagination qui joue. Concernant Jocelyne, dans les lieux de stage où elle exerçait, d’autres personnes que moi ont partagé la même expérience. Ce n’est pas du délire. Sa présence vécue en pleine conscience a été et demeure absolument réelle. 

Nos disparus sont toujours vivants. De l’autre rive, ce sont eux maintenant qui nous accompagnent, nous guident pour que notre vie prenne un autre éclairage, une nouvelle configuration, comme un troc entre eux et nous. C’est cela que je vérifie. On comprendra à cette lumière le témoignage que je présente de Mélusine dans l’encadré. Cette personne n’a pas une présence physique, c’est plus de l’ordre archétypal, mythologique ou métaphysique. Elle est tout à fait présente dans une autre réalité et nous permet d’y avoir accès. Elle est comme une initiatrice à la vie d’après. Oui, ou plutôt non, pas la vie d’après, mais la vie éternelle déjà présente et jamais perdue en nous. Car, pas de séparation entre ici et là-bas, mais une continuité. C’est depuis cette vie éternelle que Jocelyne est présente avec moi, parce que moi j’y suis depuis toujours. 

Le témoignage de méditation et d’hypnose que je présente dans l’encadré n’est absolument pas une preuve, mais une expérience qui renforce ma foi dans la vie éternelle. C’est toute la différence entre une réalité intérieure que l’on éprouve et la demande de preuves scientifiques que certains recherchent pour « y croire ». 

L’expérience de la mort des autres n’est-elle pas en lien avec la nécessité que nous éprouvons dans nos vies de passer à travers certaines morts, certains renoncements? À chacune des étapes de mon parcours, j’ai dû mourir à moi-même pour renaître. Ces renaissances ponctuelles se prolongent tout au long de ma vie. Il s’agit en fait du parcours d’une âme plutôt qu’uniquement de celui du corps et de la psyché. Il y a cette troisième dimension que je rencontre aujourd’hui et que je désire faire expérimenter à ceux que j’accompagne. 

Cette Âme qui est venue s’incarner ne va pas pouvoir faire l’économie des ėpreuves à différents moments de sa vie. Le parcours dont je viens de parler continue à travers les morts d’êtres proches mais également par rapport aux difficultés ou épreuves à traverser qui se présentent dans la vie ordinaire. Là aussi il s’agit de pouvoir être capable de rebondir face à ce qui se présente. C’est cette démarche que j’aimerais pouvoir partager avec mes patients. Et mon expérience avec Bernard Montaud en est un aspect.

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